Aaliyah, la princesse du R&B

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C’est durant l’été 2001 que la chanteuse nous quittait suite à un tragique accident d’avion. Mais sa vie, si courte fût-elle, a été riche en accomplissements. Celle dont le prénom signifie « élevée, noble », s’est bâti une carrière qui fit d’elle une artiste avant-gardiste qui marqua son temps, ainsi que les générations suivantes…

Aaliyah Dana Haughton, de son nom complet, voit le jour le 16 janvier 1979 dans le quartier de Brooklyn à New York. Elle est la fille de Diane (Hankerson) et Michael « Miguel » Haughton. Le père est un enfant d’immigrés jamaïcain, la mère aurait, elle, des origines amérindiennes (Oneida). Le couple a déjà un fils prénommé Rashad Hasan, né un an et demi plus tôt. Alors que la petite fille est âgée de 5 ans, la famille s’installe à Detroit, dans le Michigan. Son père travaille à l’usine tandis que sa mère est femme au foyer. Les enfants bénéficient d’une instruction catholique. Ils baignent également dans la musique, Diane étant une vocaliste : à la maison, ils écoutent Stevie Wonder, Marvin Gaye, Luther Vandross ou encore Johnny Mathis, dont la mère et la fille aiment fredonner une chanson (Chances Are). On dit d’Aaliyah qu’elle a appris à chanter juste après avoir appris à parler. À l’âge de 6 ans, elle obtient le rôle-titre de la comédie musicale Annie qui doit se jouer à son école : les répétitions, le chant, la comédie, les costumes et le maquillage l’enchantent ! Elle a alors le déclic : elle vient de trouver sa vocation, être une artiste.

Aaliyah veut tout faire, et a la chance de pouvoir compter sur le soutien total de sa famille. Ses parents l’accompagnent à ses cours de chant, de danse, de guitare, aux répétitions des spectacles donnés à son école primaire (la Gesu Catholic School). À l’âge de 10 ans, elle est prête à montrer son talent à un plus grand nombre en se présentant à l’émission Star Search (populaire aux États-Unis dans les années 80/90), dans la catégorie « Vocaliste Junior ». Mintis, sa grand-mère maternelle qu’elle adore lui confectionne une tenue pour l’occasion. Elle interprète la chanson préférée de sa mère, « My Funny Valentine ». Elle perd face à la championne en titre (depuis 5 semaines), Katrina Abrams (12 ans). Bien que ressentant une grande déception, elle décide de ne pas baisser les bras afin de continuer à essayer de concrétiser ses rêves. Une nouvelle opportunité se présente à elle quelque temps plus tard sous la forme d’un coup de téléphone surprise : à l’autre bout du fil, la célèbre chanteuse Gladys Knight, qui fut l’épouse de son oncle maternel Barry Hankerson dans les années 70. Elle propose à la petite fille alors âgée de 11 ans de se produire avec elle à Las Vegas durant plusieurs soirs, ce qu’elle accepte : elle lui apprend à appréhender la scène, à y imposer sa présence et mettre de l’émotion dans son interprétation. Aux yeux des siens il n’y a aucun doute, Aaliyah est une graine de star. On lui cherche alors une maison de disque. Son oncle Barry, qui travaille dans l’industrie du divertissement, frappe à toutes les portes, mais n’essuie que des refus. On lui fait dire que sa nièce est trop jeune, et qu’elle n’a pas ce qu’il faut pour percer. Hankerson crée alors le label Blackground Record, y signe Aaliyah et lui fait enregistrer son premier album en lui octroyant comme mentor le chanteur, producteur et auteur-compositeur R.Kelly. Début mai 1994 sort le premier single intitulé Back & Forth, suivi deux semaines plus tard par l’album Age Ain’t but a Number.

Aaliyah est nerveuse vis-à-vis des retours : les gens vont-ils accepter sa musique ? Elle obtient sa réponse lorsqu’elle constate le succès dont elle jouit très vite. Le public aime son style « garçon manqué » et sa voix douce. Son premier album devient disque d’or, elle n’a alors que 15 ans. Elle ouvre la voie à d’autres chanteuses adolescentes telles que Brandy ou Monica qui viendront après. Concerts, vidéo-clips, shootings photo, interviews, Aaliyah vit la vie d’artiste pour laquelle elle a tant travaillé, mais tout n’est pas rose… Des rumeurs persistantes circulent sur sa relation avec son mentor, bien que toute l’équipe jure qu’elle n’est que platonique. En septembre 1994, une informatrice anonyme proche d’Aaliyah et R.Kelly contacte le magazine Vibe, car indignée par ce qu’il se passe entre eux. Quelques mois plus tard, dans le numéro de Décembre 94/Janvier 95, un journaliste publie toute l’histoire : le chanteur âgé de 27 ans a épousé l’adolescente de 15 ans le 31 août 1994 à l’aide une fausse carte d’identité (indiquant qu’elle a 18 ans). On peut voir une copie de leur acte de mariage joint à l’article. Les parents, furieux, auraient très vite fait annulé le mariage. Beaucoup de théories circulent, on parle d’une possible grossesse comme motif de cette union. La famille niera toujours tout en bloc, et la chanteuse elle-même refusera d’évoquer le sujet. On l’éloigne en Europe puis au Japon où elle doit se produire en attendant que les choses se tassent.

Suite au scandale, Barry Hankerson change de distributeur, passant de Jive à Atlantic Record. Durant l’été 95, Aaliyah se prépare à enregistrer un nouvel album. On lui cherche de nouveaux collaborateurs, mais la tâche s’avère ardue étant donné les histoires récentes… Aaliyah sait ce qu’elle veut en termes de son et le fait savoir. On lui dégote une variété de producteurs, dont un tout nouveau duo : Timbaland et Missy Elliott, avec qui la magie opère. D’aout 95 à juillet 96 la chanteuse travaille sur ce second album, tout en suivant des cours à la Detroit Performing Arts High School, l’éducation étant pour elle primordiale. Le 12 juillet 1996 sort le premier single, If You Girl Only Knew, suivi de l’album One in a Million le mois suivant. On y découvre une Aaliyah plus sensuelle, plus forte et aux sons innovants. Elle devient égérie de la marque Tommy Hilfiger : elle est la première artiste urbaine à obtenir une telle promotion. Son second album est certifié double disque de platine en juin 97. Elle est diplômée la même année avec 4.0 de GPA (Grade Point Average, ou moyenne cumulative pondérée en français, allant de 0 à 4). Il est demandé à la chanteuse d’enregistrer une version pop R&B du titre Journey to the Past issu du film d’animation Anastasia, dont la BO sort en fin d’année. La chanson récolte plusieurs nominations, dont une aux Oscars. Aaliyah interprète le morceau lors de la 70e cérémonie des Oscars le 23 mars 1998 : elle devient la plus jeune artiste à s’y produire à tout juste 19 ans (c’est My Heart Will Go On qui remporte la statuette). Quelques mois plus tard sort Are You That Somebody?, enregistré pour la BO du film Dr Dolittle. Le morceau, ainsi que le clip (où elle montre ses talents de danseuse), rencontrent un véritable succès. Ce hit permet à la chanteuse d’obtenir sa première nomination aux Grammy Awards.

Sa carrière musicale bien établie, Aaliyah est désormais prête à passer au grand écran. À 19 ans, elle fait appel à un coach renommé, Harold Guskin, qu’elle retrouve plusieurs fois par semaine pendant 6 mois : ensemble, ils travaillent sur des pièces de Tchekhov, Shakespeare et Tennessee Williams. En 1999, elle obtient son premier rôle en tant que tête d’affiche, celui de Trish O’Day dans Roméo Doit Mourir. Le film est tourné à Vancouver de début mai à fin juillet. Une fois le tournage bouclé, elle participe à la BO du film. Elle est l’interprète du titre phare, Try Again, qui sort le 22 février 2000, soit un mois avant la sortie du film. On la retrouve également sur 3 autres titres : Come Back in One Piece en collaboration avec son ami DMX, Are You Feelin’ Me? et I Don’t Wanna. Grâce au succès mondial de Try Again, Aaliyah est nommée aux Grammy Awards, American Music Awards, Soul Train Music Awards, Lady of Soul Awards, Billboard Music Awards et remporte deux MTV Video Music Awards. En 2000 elle décroche un rôle principal : celui de la Reine Akasha dans le film à l’esthétique gothique La Reine des damnés, inspirés des livres Chroniques des vampires d’Anne Rice. Le tournage se déroule en Australie d’octobre 2000 à février 2001. Durant les nuits, Aaliyah travaille sur son troisième album qu’elle a commencé en 1999 et mis en pause pour développer sa carrière d’actrice. Le premier single, We Need a Resolution sort en avril 2001. Celle que l’on appelle affectueusement Baby Girl est désormais une belle jeune femme, confiante, en phase avec sa féminité tout en restant fidèle à son style et sa personnalité. Cet album éponyme, qui sort en juillet 2001, illustre sa croissance en tant que personne et artiste. Elle obtient des rôles dans différents films à venir : Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, Honey ainsi que Sparkle. En femme d’affaires accomplie, elle mène très bien sa barque. Durant cet été 2001, elle commence le tournage de Matrix à Los Angeles, et passe du bon temps aux Hamptons avec l’homme qu’elle fréquente, Damon Dash (cofondateur de Roc-A-Fella Records), et ses amis. Aaliyah a tourné le clip de More Than a Woman qui devait être son deuxième single, mais il a finalement été décidé que ce serait Rock the Boat qui serait choisi. Le 22 août, elle commence le tournage du clip à Miami, puis se rend le lendemain aux Bahamas pour tourner d’autres prises. C’est la première fois qu’aucun membre de sa famille ne l’accompagne : son frère est à l’autre bout du pays, sa mère vient d’être opérée des yeux au laser et son père prend soin de cette dernière. Elle est supposée rentrer le 26 août, mais ayant fini de tourner toutes ses scènes, elle décide de rentrer un jour avant. Le 25 août, elle embarque avec 7 autres collaborateurs et amis dans un avion qui doit les ramener en Floride, mais l’avion s’écrase sur la piste une minute à peine après le décollage, ne laissant aucun survivant… Le décès d’Aaliyah est un véritable choc pour ses proches et ses fans, qui lui disent un ultime au revoir lors d’une cérémonie émouvante organisée le 31 août à New York où elle repose depuis.

Fauchée en pleine ascension, Aaliyah a malgré tout eu le temps d’imposer son style et de se faire aimer de tant de monde. Son catalogue musical et ses clips vidéo n’ont pas pris une ride, signe du fait qu’elle était en avance sur son temps. Elle constitue une source d’inspiration pour de nombreux artistes, encore aujourd’hui, après toutes ces années. Son style « sexy street » sans être vulgaire, ses cheveux cachant la moitié de son visage angélique, son grand sourire ont fait d’elle une icône de la mode. Chanteuse, modèle, actrice, elle voulait tout faire et pouvait tout faire. Mais c’est aussi sa personnalité, son intelligence et son humilité qui ont fait d’elle ce qu’elle était. Tous ceux qui l’ont connu ont toujours déclaré qu’elle était douce, marrante, attentionnée et compatissante, malgré toutes les épreuves auxquelles elle avait dû faire face… Aaliyah a toujours su faire preuve de grâce, aussi bien dans sa vie privée que public, et c’est peut-être là la plus grande leçon qu’elle nous ait laissé.

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