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Roland Garros, l’aventurier intrépide

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Pour nombre de gens aujourd’hui, le nom de Roland Garros renvoi aux Internationaux de France (l’un des quatre tournois du Grand Chelem) organisés par la Fédération française de tennis dans le stade du même nom. Le stade, situé dans le 16e arrondissement de Paris, regroupe en tout 17 courts. Mais derrière ce nom se cache enfaite un homme… un aviateur né un 6 octobre et mort à la guerre la veille de ce qui aurait dû être son 30e anniversaire.

Eugène Adrien Roland Garros de son nom complet nait le 6 octobre 1888 à Saint-Denis de la Réunion. Il est le fil d’Antoine Georges Garros et de Clara Emma Faure. Il a quatre ans lorsque la famille quitte l’ile de la Réunion pour s’installer en Cochinchine (qui correspond au sud de l’actuel Viêtnam). Le père, avocat, ouvre un cabinet à Saïgon (actuel Hô Chi Minh-Ville). La mère quant à elle s’occupe de l’éducation du petit garçon qui parle aussi bien français qu’annamite. Les années passent, et l’enfant doit commencer le secondaire. Comme il n’y a pas de lycée en ville, les parents décident de l’envoyer en métropole pour poursuivre ses études. Il fait le voyage seul, en bateau : le trajet de Saïgon à Marseille dure deux mois. Il est inscrit en classe de 6e au collège Stanislas, mais à peine arrivé à Paris, il tombe malade. Roland a une pneumonie. La direction de l’école décide donc de l’envoyer dans leur succursale cannoise. On ne croit pas beaucoup à une guérison du petit garçon, mais celui-ci défie la médecine et se remet totalement, notamment grâce au sport : il pratique le cyclisme, ainsi que le football (et devient champion dans ces deux disciplines). Sa maladie lui fait perdre une année, mais il réussit à la rattraper sans trop de problèmes. Au sport s’ajoute la pratique du piano. À l’adolescence, il retourne à Paris et s’inscrit au lycée Janson de Sailly. Une fois son bac en poche, il intègre l’école des hautes études commerciales (HEC Paris), afin de faire plaisir à son père. Il en sort diplômé en 1908.

Roland Garros est passionné par la mécanique et les automobiles. À tout juste 20 ans, il convoite un emploi au sein de l’entreprise Automobiles Grégoire. Il se présente alors au directeur, sans aucune recommandation : c’est sa candidature, parmi beaucoup d’autres, qui est retenue. Il est engagé le 1er septembre 1908 : c’est lui qui tient le stand de la marque au Salon de l’Auto le mois suivant. Mais le jeune homme qui n’a pas froid aux yeux en veut plus. Il souhaite racheter un magasin afin de devenir concessionnaire. Brouillé avec son père qui lui a coupé les vivres, c’est auprès du père d’un de ses anciens camarades de HEC (Jacques Quellennec) qu’il obtient un prêt afin d’acquérir une boutique située au pied de l’Arc de Triomphe. Il y propose à la vente des versions sport des automobiles Grégoire. Fin août 1909, Roland le chef d’entreprise se rend en vacances à Sapicourt, chez l’oncle de son ami Quellennec. Il assiste à la toute première Grande semaine de l’aviation de la Champagne à Bétheny (au nord de Reims). C’est le coup de foudre. Il trouve sa grande passion et ce qu’il veut désormais faire : être aviateur. Grâce à l’argent que lui rapporte son entreprise, il peut très vite s’acheter un avion léger créé par l’ingénieur brésilien Alberto Santos-Dumont baptisé La Demoiselle. L’appareil fragile (et dangereux) est ce qui se fait de moins cher. Il apprend à piloter seul, il n’existe pas d’école de pilotage, sur le terrain d’Issy-les-Moulineaux (où il côtoie d’autres pilotes). Il passe et obtient son brevet le 19 juillet 1910 sur l’aérodrome de Cholet. À 22 ans, il s’en va aux États-Unis pour une tournée de meeting durant laquelle on lui attribue le surnom de « Cloud Kisseur » (celui qui embrasse les nuages) …

Au printemps 1911 Roland Garros revient en France. L’aviation est devenue un sport médiatisé qui attire de grandes foules complètement fascinées. Il participe aux trois grandes compétitions de l’année, mais finit toujours deuxième : les journalistes le baptisent « l’éternel second ». En septembre, il bat un premier record d’altitude avec 3 910 mètres (qu’il surpasse plus tard avec 4 960 mètres, puis 5 610 mètres). Ce record lui permet de se faire remarquer et classer parmi les meilleurs, mais aussi de renouer avec son père (grâce à l’aide d’un ami). Engagé par un industriel américain pour une tournée en Amérique du Sud, Garros est le premier a traversé la baie de Rio, à survoler la forêt tropicale et prendre des photos aériennes, à faire le vol aller puis retour São Paulo/Santos. En juin 1912, il s’illustre en gagnant le premier grand prix de l’Aéro-Club de France du circuit d’Anjou : opposé aux 33 meilleurs pilotes du monde, il est bientôt l’un des seuls (avec un autre jeune pilote) dans les airs malgré le vent et la tempête et franchit la ligne d’arrivée dans le temps réglementaire. Il est désormais surnommé « le champion des champions ». Après les compétitions et les records, Roland Garros veut voir plus grand en relevant un véritable défi : traverser la Méditerranée. Il part de Saint-Raphaël le 23 septembre 1913 à bord d’un monoplan avec 200 litres d’essence. Il navigue avec une boussole, en prenant soin de bien gérer son essence (il n’y a pas de jauge) et les deux pannes qui surviennent durant le trajet. Il se pose à Bizerte en Tunisie après 7 heures et 53 minutes de vol. Il repart à Marseille en paquebot avant d’être accueilli à Paris en grand héros. Il est au sommet de sa gloire.

La Première Guerre mondiale éclate en juillet 1914. N’étant pas né en métropole, Roland Garros n’est pas appelé, à son plus grand regret. Il décide donc de s’engager dès le 2 août. Il effectue d’abord des missions d’observation, de reconnaissance et de lâchages d’obus. Étant un habile mécanicien, il propose en décembre à un certain Raymond Saulnier de mettre au point le premier chasseur monoplace doté d’une mitrailleuse tirant à travers l’hélice. Le dispositif est achevé en janvier 2015. Il repart au front et obtient trois victoires consécutives en deux semaines début avril. Le 18 de ce même mois, il est touché par une balle ce qui l’oblige à atterrir en Belgique à cause de problèmes de carburant. Il est fait prisonnier avant d’avoir pu mettre le feu à son avion, qui tombe alors aux mains de l’ennemi. Ces derniers découvrent alors son invention et s’en inspirent. Roland Garros est déplacé de camp en camp durant plusieurs années. Bien décidé à s’échapper, il effectue plusieurs tentatives, avant d’enfin réussir le 15 février 1918. Il se déguise en officier allemand avec un ami et profite de la pénombre pour sortir du camp. Commence alors une aventure pour rentrer en France qui les fait passer par la Hollande et l’Angleterre. Ces trois années de détention l’ont fortement diminué. Il a notamment de forts troubles de la vision. Malgré tout ça, le désormais Officier de la Légion d’Honneur ne souhaite qu’une chose, retourner au combat, et refuse tout autre poste. Après une convalescence et une remise à niveau, le courageux et obstiné Rolland Garros repart au front. Il obtient sa quatrième et dernière victoire le 2 octobre 1918.  Il est abattu le 5 octobre au-dessus des Ardennes, la veille de son 30e anniversaire et cinq semaines avant l’Armistice…

La vie, si courte fût-elle, de ce héros mort pour la France a été riche en exploits, en aventure. Entrepreneur, sportifs aux multiples records, pilote de guerre, ami de grandes personnalités (Edmond Audemars, Ettore Bugatti, Jean Cocteau…). Roland Garros a laissé derrière lui des écrits, témoignant de sa grande passion. On y découvrir à travers ses yeux, ses mots, les débuts de l’aviation. Lorsqu’un nouveau stade parisien a dû être construit, 10 ans après sa mort, son ami et ancien camarade de HEC Émile Lesieur s’est assuré qu’il porterait son nom, afin de lui rendre hommage et pour qu’il ne soit jamais oublié. Le fait qu’il ne se soit pas illustré au tennis étonne toujours, mais la volonté, l’intelligence et le courage dont il a fait preuve au cours de sa vie le rapprochent des valeurs de cette discipline. Plus de 100 ans après, son nom résonne encore, notamment à chaque printemps où des sportifs, les pieds bien ancrés sur la terre battue rêve de gloire en atteignant les sommets.

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